En fin de journée lors du stage photo « À la rencontre du peuple khmer« , j’ai photographié ces deux enfants qui couraient dans la rue principale de leur village. En ce début du mois de Novembre 2018, l’eau du Tonlé Sap commençait juste à se retirer…

L’immense lac du Tonlé Sap et ses villages sur pilotis

Le lac du Tonlé Sap est le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud Est avec une superficie variant de 2.700 à plus de 16.000 kilomètres carrés entre la saison sèche et la saison des pluies. Ce lac est situé au centre du Cambodge. Il est depuis l’empire khmer (plus d’un millénaire) considéré comme la ressource principale en protéine du pays ; ressource, jusqu’à hier, infinie en poissons.

Le système hydrologique de ce lac est unique car le régime d’écoulement n’as pas de source. De fait, comme la région est située dans une légère dépression, sans relief et dénivelé, à la saison sèche (de novembre à avril), l’eau du lac coule vers le Mékong (jonction au niveau de Phnom Penh) et à la saison des pluies de la mousson (de mai à octobre), couplée avec la fonte des neiges himalayennes,  l’eau coule du Mékong vers le lac. Le courant du Tonlé Sap s’inverse entre les saisons au moment du retournement des eaux qui a habituellement lieu en mai et novembre.  A ces dates en quelques jours seulement,  il n’est pas rare de voir les bateaux au niveau de Phnom Penh (jonction du Mékong et du Tonlé Sap) aller très vite dans un sens aidés par le courant un jour et puis très vite dans l’autre sens quand le courant s’est inversé.

Ce lac sert de déversoir au trop plein des eaux en période des pluies et de réservoir en saison sèche. Il sert de protection naturelle, agissant comme une vanne contre les inondations du Mékong. Ses eaux aussi servent de milieu idéal pour la reproduction des poissons et permet donc à des millions de personnes de se nourrir. Cependant, les barrages actuels et les projets de barrages futurs en amont sur le Mékong et tous ses affluents mettent chaque année en dangers des millions de gens car les poissons disparaissent d’année en année ne pouvant pas se reproduire (par manque d’eau) et ne peuvent plus remonter le Mékong jusqu’en Chine.

Kompong Phluk

Le village de Kompong Plhuk est un village situé à une heure de route de Siem Reap et fait parti de cet écosystème devenu très fragile à cause encore une fois de l’anthropisation démesurée. Les maisons de ce village sont bâties sur des pilotis à plus de 5/6 mètres au dessus du sol pour parer aux variations du niveau de l’eau comme le niveau du lac varie de 1 mètre en saison sèche à près de 10 mètres en saison des pluies.

Depuis près de 10 ans maintenant, j’ai la chance de rencontrer ces familles qui m’accueillent toujours les bras ouverts en m’appelant Bong ou « grand frère » avec leurs grands sourires plein de dents… ou pas ! J’ai le privilège même, grâce à eux, de pouvoir partager un moment de leur quotidien régulièrement avec mes voyageurs photographes.

Ce soir là, de Novembre 2018 (une année avec exceptionnellement beaucoup d’eau , conséquence désastreuse de la rupture du barrage d’Attapeu, survenue le 23 juillet 2018, au Laos), alors que le soleil descendait et que pour nous la journée touchait à sa fin, nous avons aperçu ces deux enfants qui faisaient des aller-retour en courant dans l’eau qui se retirait doucement, laissant place à une route de terre qui allait progressivement réapparaitre complètement. Évidemment, le « retour de la terre ferme »  était synonyme de liberté pour les enfants qui venaient de passer plus de 4 mois dans leur maison et de bateau en bateau. Nous ne pouvions ne pas rater le moment de saisir ce moment de liberté retrouvée !

Tout de suite, en nous approchant, j’ai pensé au contexte unique que je viens de vous raconter trop (?) longuement.  Il fallait photographier large pour garder les maisons sur pilotis, le village. En m’approchant à grand pas vers la limite terre/eau/boue, au premier plan de l’image, je changeais rapidement d’objectif et j’optais pour mon 24mm f1.4 Sigma. Les lignes directrices étaient là et emmenaient le regard au loin, au fond du village, vers l’infini et c’est là que je devais placer mon sujet principal car les regards se dirigeraient automatiquement vers la jonction de ces lignes de fuite.

Je savais aussi que la lumière venait de côté et que j’allais me retrouver qu’avec la silhouette des enfants s’ils n’étaient pas dans la lumière du soleil couchant. Si j’attendais plus, qu’ils rentrent à nouveau dans la lumière (j’étais bloqué par la boue super glissante et ne pouvais avancer), ils seraient surement trop loin et trop petit…

Le choix était fait, je devais les figer dans l’ombre pour garder leurs silhouettes à condition de les détacher complètement de l’arrière plan sombre et de la ligne d’horizon disgracieuse. Il fallait ne garder que l’eau derrière eux, donc de ma position accroupie à l’origine, je me suis levé et déclenché tout en gardant assez de profondeur de champ (f/5.6) et de vitesse (1/1000ème) pour les avoir bien nets.

Information à la prise de vue

Appareil Photo: Canon EOS 5D2
Objectif: Sigma 24mm f/1.4

Mode: Ouverture
ISO : 400
Ouverture : f/5.6
Vitesse : 1/1000sec
Compensation d’Exposition : -0.3 stop
Focale : 24mm
Dévelopement: Adobe Lightroom

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